Dans un article publié par le journal Le Monde, Laurent Berger et Louis Gallois proposent de mettre fin au chômage de longue durée grâce à ce qu’ils appellent « l’emploi solidaire ». Loin d’être « une solution », cette façon de poser le problème du chômage esquive la nécessaire prise en compte des politiques qui créent le chômage. C’est un leurre et une diversion.
Non, l’emploi solidaire n’apporte pas
de solution au chômage de longue durée
Réponse à Laurent Berger et Louis Gallois
« L’emploi solidaire apporte une solution au chômage de longue durée » affirment dans une tribune, publiée par le journal Le Monde, Laurent Berger et Louis Gallois*. Dommage que de si belles signatures, légitimes à porter des propositions sur un tel sujet, sortent de telles banalités inconsistantes compte tenu de la gravité du problème.
Non, l’emploi solidaire n’apporte pas de solution au chômage de longue durée. Encore faudrait-il qu’il commence par fournir une solution au chômage tout court. Ce n’est ni le cas, ni la vocation de l’économie solidaire. Face au tsunami social qui vient suite à une crise sanitaire qui n’est pas terminée, c’est au chômage considéré comme variable d’ajustement de l’économie qu’il faut s’attaquer. D’une façon plus générale et plus fondamentale, c’est au système économique faisant du chômage une donnée permanente et nécessaire de la course aux profits qu’il faut mettre fin.
Faire croire que « l’emploi solidaire » serait le remède miracle est une erreur et une faute. D’abord parce que l’économie solidaire n’a pas vocation a être la roue de secours du néolibéralisme quand le nombre de milliardaires en France n’a jamais été aussi élevé, quand tout va mal pour les salariés.es, les artisans.es, les agriculteurs et agricultrices, bref pour tous ceux et celles qui vivent de leur travail et non de leurs rentes. Le magazine Challenges vient par exemple de publier son enquête annuelle avançant le nombre de quatre-vingt quinze milliardaires pour notre pays. C’est quatre-vingt quinze de trop et c’est une des sources du chômage.
Ensuite parce que le chômage dans notre pays, en Europe et dans tous les pays capitalistes n’est pas un accident mais un choix des dirigeants économiques (les milliardaires et les gouvernements à leur solde) pour que les chômeurs, chômeuses et précaires servent d’armée de réserve pour faire baisser les salaires quand l’économie va bien comme quand elle est en « crise ». Le chômage c’est toujours gagnant-gagnant pour la finance, les GAFAM et les spéculateurs sur la monnaie, l’évasion fiscale, la fraude à la globalisation.
Enfin parce qu’aujourd’hui l’emploi dont nous avons besoin est celui qui permettrait de répondre au défi climatique et écologique. Avec des moyens et à une échelle de toute autre dimension que le préconise Berger et Gallois. Le néo-libéralisme qui pille la planète est incapable de répondre au défi du bien commun. La capitalisme vert est un oxymore qui nous coûte cher. Il conduit depuis des décennies à suivre les choix des compagnies pétrolières ou des monopoles nucléaires contre notre environnement planétaire. Que peuvent peser dans la balance l’insertion par l’activité économique et les Territoires zéro chômeur de longue durée contre l’action mortifère de Total ou Areva ? C’est comme si pour résoudre la question des famines qui frappaient le peuple avant 1789 on avait préconisé le glanage.
L’insertion par l’économique et les Territoires zéro chômeur de longue durée ont certes leur rôle à jouer dans une économie remise sur sa tête parce que ces activités apportent des solutions ponctuelles et individuelles à certaines catégories de précaires. Mais s’il vous plaît ne présentez pas cela comme des solutions contre le chômage de longue durée. Il y a mieux à faire quand on représente un grand syndicat et une association sociale respectable. L’urgence aujourd’hui est de mettre en route sans attendre une économie solidaire ayant pour finalité le bien commun dans tous les secteurs de l’activité. Cela tombe bien car il nous faut aussi engager sans transition une économie ayant pour finalité le bien commun écologique, ce que ne saurait faire Macron, son gouvernement et l’oligarchie qui nous gouverne.
Robert Crémieux
Vendredi 10 juillet 2020
Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT) et Louis Gallois (président de la Fédération des acteurs de la solidarité, FAS). Tribune publiée le 8 juillet 2020.
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