Dagobert : la f ève a du mal à passer

Tous les électeurs/électrices Clichois ont reçu par La Poste un texte de 12 pages, sobrement intitulé par son auteur : Galette du Roi Dagobert 2011.
Il s'agit d'un document assez exhaustif sur la vision politique du Maire, brossant le tableau de l'histoire, du présent et surtout de l'avenir tel qu'il le voit. Dans ce discours à la Castro, visiblement écrit dans la jubilation, le contenu ne manque pas d'étonner quiconque a la patience d'aller jusqu'au bout et connaît un peu Clichy.
Le discours de la Galette ressemble par son contenu à ceux que tenaient un célèbre Docteur Knock qui voulait tout régenter dans son village en contrôlant tous les patients. Un Dr Knock qui serait atteint d'une crise de mégalomanie urbanistique aiguë. A fond les manettes dans les wagons du Grand Paris sarkozyste : « Clichy est donc aujourd’hui dans une dynamique, celle du Grand Paris, et nous savons que nos décisions et les projets d'aujourd’hui, sont bien sûr, essentiels pour nous, mais aussi pour les générations futures. » (Communiqué du 2 février). Équipements, logements, ZAC, Entrée de Ville, travaux de voirie, immeubles de grande hauteur, Bac d'Asnières, aménagements des Parcs et jardins, PLU, PLH, ligne 13, 14 du métro, tout y passe. M. Le Maire nous le dit, et il faut croire car c'est souligné en gras dans son texte : "j'ai l'intention de booster la deuxième partie du mandat et préparer l'avenir."
L'avenir ? L'avenir de qui ? Ils sont où dans ce discours les Clichois et Clichoises qui vivent la crise au quotidien et pas dans le futur ? La grande majorité des habitants de la ville vit mal, les difficultés sont là et les projets pour l'après 2014 ressemblent à des propos de bonimenteurs.
Loin de la vie des Clichoises et Clichois
Au fond, ce qui est intéressant dans ce texte, c'est ce qui n'y est pas. Rien ne transparaît sur la vie, celle des travailleurs sans emploi, des chômeuses, des jeunes qui ne décrochent jamais leur premier job, des locataires des HLM et les mal-logés, les sans-abri, les sans-papiers. Certes, le Maire félicite Secours Populaire et autres Restos du Cœur qui prospèrent, bien malgré eux. Mais faut-il se féliciter d'en être réduit à présenter comme un succès ce qui dans un pays riche malgré la crise devrait plutôt être voué à la minorité des cas les plus graves, accidentels et désespérés ?
Certes, il parle des chômeurs pour dire qu'ils sont 4 500 inscrits à Pôle emploi sur la ville. Mais les chômeurs ne sont pas que des statistiques (à citer avec précaution) et il ne nous dit rien sur ce qu'on leur propose dans l'immédiat, plutôt qu'à celui de l'horizon lointain des grands travaux après 2014.
Ah oui, il cite abondamment les jeunes, à la limite de la flatterie parfois, ce qui est toujours l'indice d'une dérive démagogique. Pour leur proposer quoi en guise de présent ? Un projet d'extension du "RSA jeune", qui est un bide absolu. Sans prendre garde que le RSA est lui-même vécu par ceux qui en dépendent comme une horreur sociale. Et il semble être le seul à Clichy à ne pas savoir que tout ceux qui sont concernés ne désigne le RSA que comme le « Revenu Sans Avenir ». Dans tous les sens du terme, en tant que système et du point de vue des allocataires.
Et de tartiner sur son projet de Grand Clichy comme la grenouille qui voulait se faire plus grosse qu'un bœuf. Et de citer à l'appui le logement. Ah, quel succès le logement à Clichy. Parlons-en en effet. Il semble aussi amnésique que Mme Alliot-Marie en matière de voyage. A-t-il déjà oublié qu'il s'est précipité tête baissé dans l'application de la loi Boutin avant d'être contraint à une retraite précipitée devant la révolte des locataires de Clichy Habitat dont le CA, pourtant trié sur le volet, a fini par le désavouer. Que son recul était dû aussi à l'exemple de villes de gauche qui refusaient de s'aligner sur cette loi de régression sociale et que la droite clichoise l'appuyait de ses votes ? Comme le dit si bien M. Muzeau, dont on ne sait plus trop de quelle UMP il est, mais qui est bien de droite : « quand le Maire vient sur nos positions, ce n'est pas pour nous déplaire et il n'y a pas de raison que l'on boude notre plaisir».


Qui va payer la « vision » d'avenir du Maire ?
En définitive, l'une des questions auxquelles Gilles Catoire ne répond pas est : qui va payer ses projets pharamineux ? Les Clichois évidemment. Car la ville est en difficultés financières, tous les indicateurs et rapports le souligne, à commencer par le dernier en date de la Chambre régionale des comptes.
Deux orientations s'offrent au Maire pour sortir de cette situation. Faire payer plus les Clichois et pratiquer la fuite en avant immobilière.
Pour faire payer les Clichois, il n'y a pas que les impôts. Ce sont par exemple les locataires de l'Office HLM qui payent depuis des années par des hausses de loyers le redressement financier de Clichy Habitat qui est dans ce domaine sous la tutelle de l'État. Avec à la clé des hausses de loyers supérieures au maximum préconisé par le gouvernement. Ainsi, dernière en date, + 2% au 1er janvier 2011 contre 1,2% ou moins appliqué dans les autres offices pour prendre en compte les effets de la crise. Oui, le redressement de l'OPH dont se glorifie le Maire – Président de l'Office dans de luxueuses brochures de propagande, se sont les locataires de Clichy Habitat qui le paye !
Catoire pratique aussi la fuite en avant promo-immobilière. Mais la situation financière de la municipalité ne permet pas de négocier aux conditions de la Ville. Ce sont les promoteurs et l'État qui dictent les leurs. Les Clichois le paieront par une forme d'épuration sociale comme celle qui a sévi à Levallois-Perret. Le Maire de Clichy n'a pas d'autre choix pour réaliser ses projets que de faire évoluer la composition démographique pour que sa commune devienne une ville de classes moyennes aisées. Les pauvres iront loger ailleurs. Citation p. 7 : "Ce secteur de l'Entrée de ville, qui a éprouvé certaines difficultés dans sa reconversion économique, va se retrouver au cœur du Grand Paris de demain. Il faudra de nouveaux commerces qui accompagnent l'arrivée des professions libérales, de grands cabinets d'avocats m'ayant déjà fait part de leur souhait de s'y installer." Il faut d'ailleurs remarquer que vu la rente de situation faite à certains cabinets d'avocats par la ville, il n'est pas étonnant qu'ils s'y sentent bien…


Des projets non financés
Ces projets, à long terme, re-soulignons-le, ne sont toutefois rien de moins qu'assuré d'être réalisés. Ils risquent fort de rester des effets de manche pour de nombreuses raisons. Cette stratégie urbanistico-politique ressemble fort à la gesticulation médiatique de Sarkozy sur les questions de sécurité : plus il en parle à la télé, plus il fait voter de lois à chaque fait divers sordide et moins on constate de progrès dans la situation concrète des citoyens. Pour une raison simple : les crédits et les moyens ne suivent pas. On le voit avec la révolte actuelle des policiers, des magistrats, des avocats.
Sur le long terme, ces projets ne sont pas financés. L'État ne paiera pas, il fait miroiter des promesses de financement qu'il n'a pas. Le Grand Paris, outre son contenu discutable, est un miroir aux alouettes. L'État ne donne déjà pas l'argent qu'il doit aux départements – et même au riche Hauts-de-Seine qui pour des raisons politiques ne moufte pas – et l'État n'honore pas depuis des lustres les Contrats de plan signés avec la Région dans de nombreux domaines. Alors pensez, Clichy… Avant que les projets de transports en commun annoncés deviennent des chantiers, il faudra une trentaine d'années. Si Gilles Catoire rêve éveillé à ses trente prochaines années à la tête de la Mairie de Clichy, ses concitoyens font face eux à la réalité d'aujourd'hui.
Il a beau transposer ses programmes urbanistiques fous sur sa gestion politique de la municipalité, il doit affronter le mur de la réalité présente. Il débarque de sa majorité toute la gauche, Europe-Ecologie Les Verts, le Front de gauche et le PC, Lutte ouvrière, plus une partie de ses élus membres du PS, mais cela ne suffira pas. Car il est déjà l'otage – et les Clichois avec – de la droite sarkozyste affairiste dont il a sollicité l'appui pour ses votes sur le PLU, l'éviction d'Alain Fournier de son poste d'adjoint.
Au lieu de co-construire avec ses partenaires politiques et les Clichois, le Maire pratique désormais aussi une fuite en avant dans de nombreux domaines. A rebours des orientations affichées de son propre parti, il s'installe dans une course effrénée au cumul des mandats. Pour faire face à une situation qui lui échappe, il est contraint de porter toutes les casquettes, d'accepter tous les strapontins. "Je copréside la commission transports et déplacements de Paris Métropole" glousse-t-il de plaisir (p. 7). Toute cette fringale de pouvoir ne le sauvera pas et il devrait méditer sur le fait que même au Yémen aujourd'hui les dictateurs se rendent compte que trente ans d'exercice de tous les pouvoirs c'est trop pour le peuple.


Le lourd passif du chauffage urbain
Le passif commence à peser lourd et les manœuvres d'escamotages sont de plus en plus difficiles à faire passer. Emblématique est à ce point de vue l'affaire du chauffage urbain que les Clichois, personne ne le conteste plus, paient en moyenne 40 % plus cher qu'ailleurs depuis des années. Depuis des années de mandat – quinze, vingt ans – des rapports, des expertises, la Chambre régionale des comptes dénoncent cet état de fait. Gilles Catoire multiplie les déclarations contre le concessionnaire SDCC, entame contre lui des procédures judiciaires qui apparaissent aujourd'hui comme un écran de fumée sans autre objectif que faire croire que le Maire fait quelque chose. Mais après tant d'années, de mandats et de promesses à ce sujet il se passe quoi ? Rien. Les Clichoises et les Clichois, de gauche et de droite se sont fait avoir à l'esbroufe et continuent à être invités à payer la facture que présente la filiale de GDF Suez.
L'affaire devient à ce point pesante que l'on ne peut plus considérer qu'il s'agit seulement d'incompétence ou de mauvaise gestion. Depuis des années que la question empoisonne la vie des gens et qu'elle est posée sur la place publique, même un gestionnaire municipal de troisième catégorie aurait trouvé le moyen de régler la question. Alors, quoi ?
Dernière en date de ces péripéties, le Maire a affirmé au cours du Conseil Municipal de décembre dernier, qu'il "négociait" avec GDF Suez à propos des projets du Bac d'Asnières et que pour cette raison la procédure judiciaire engagée contre la filiale SDCC était suspendue (retirée, renvoyée, ensablée, on ne sait pas). Rappelons qu'officiellement le Tribunal de Bobigny devait statuer le 10 novembre dernier sur une plainte déposée contre la SDCC. Tout cela est oublié, car des négociations sont en cours avec GDF Suez. Des négociations ? Mais au nom de qui ? Par qui ? Pour quoi ? Seul Catoire qui a toutes les casquettes pourrait répondre à ces questions et il ne le fait ni devant son conseil municipal, ni devant sa majorité, ni devant le CA de Clichy Habitat dont il est président. Les élus sont pris pour des billes et les Clichois sont pris en otages d'une négociation dont le Maire est le seul décideur et connaisseur. C'est très fort de café dans ce qu'on appelle encore une démocratie.


Train de l'amour ou train du malheur ?
Le Maire affectionne les métaphores un peu grandiloquentes et la dernière en date est celle du train. "Ceux qui m'aiment prendrons le train" conclut-il sans rire son pensum de douze pages oubliant que toute métaphore un peu osée peut aisément se retourner contre son auteur. Le train qu'il conduit aborde un aiguillage dangereux, d'autant que le conducteur semble désormais confondre sa droite et sa gauche. Si le train déraille, ceux qui l'aiment en subiront les conséquences mais aussi tous les Clichois. En particulier ceux qui n'ont rien à gagner d'une balkanysation de Clichy ; ceux qui aimeraient que contre les effets de la crise on les soutienne un peu ; ceux qui ne roulent pas dans le train fou du Grand Paris mais qui voudraient des mesures pour aider les chômeurs, que les Restos du Cœur ; qui voudraient juste que la commune prenne des mesures à la hauteur des pouvoirs et moyens d'une ville solidaire, pas plus pas moins, et pas des promesses de voyage en train sur la Lune.
Car répétons-le, Clichy n'a pas les moyens de se lancer dans des projets grandioses, sauf à modifier sa population en y attirant des contribuables aisés, des cabinets d'affaires, etc. Le territoire de la ville n'est pas extensible, sa population actuelle ne trouvera pas d'embauche dans les cabinets d'affaires et devra s'exporter ailleurs pour ses emplois et son logement.
Il sera à ce stade difficile – sauf sursaut citoyen exceptionnel – d'empêcher le Maire de donner tout le trousseau des clés de la ville au clan Balkany – Sarkozy. Il semble fort qu'il anticipe un nouvelle défaite de la gauche à la prochaine présidentielle et dans ce cas il pourrait être dans le sens du vent pour les prochaines municipales avec en point de mire une réélection avec une nouvelle équipe sans la gauche. Si, d'ici là, il n'est pas mangé par des alliés gourmands et peu reconnaissants.
Nombreux, nombreuses sont ceux et celles qui à Clichy n'avaient (ou n'ont pas encore) vu venir le coup. Qu'ils fassent l'effort pour une fois de lire le texte de science-fiction que leur écrivain de Maire nous a posté en guise de galette. Vérifiez par vous-même : pour tout autre lecteur qu'un promoteur ou un membre du cabinet de l'Élysée, la fève a du mal à passer.
Robert Crémieux
110207artrcdiscourscatoiredagobert.pdf

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