Mali : un peuple debout face aux sanctions de la CEDEAO

La chute du Président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) et de son régime n’a eu pour seule réponse des dirigeants de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), que de dégainer une série de sanctions contre le pays, contre le peuple avec notamment, la fermeture des frontières, un blocus économique, commercial et financier.

Le communiqué de la CEDEAO daté du 19 Août 2020, les résolutions du sommet extraordinaire virtuel des chefs d’Etats de l’organisation Ouest-Africaine du 20 août 2020, relèvent plus d’un combat d’arrière garde mis en place par des chefs d’Etats aux abois prêts à tout, pour sauver leurs propres pouvoirs, honnis par les peuples.

Pour ce qui est de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, les deux chefs d’Etats ont trahi leurs serments en briguant un troisième mandat après un tripatouillage des constitutions de leur pays. De véritables coups d’Etats déguisés.

Alassane Dramane Ouattara et Alpha Condé ont décidé de se maintenir au pouvoir, refusant l’alternance, sans provoquer l’indignation, la protestation, la condamnation du Club des Chefs d’Etats de la CEDEAO.

En préconisant des mesures discriminatoires, drastiques contre le Mali, en cherchant à étouffer notre peuple, les dirigeants de la CEDEAO, devraient avoir à l’esprit qu’ils ont à faire au pays du Président Modibo Keïta : le Mali, un grand pays, un grand peuple, fier, digne, combatif.

Nous sommes les héritiers de ce grand homme d’Etat qui a dû affronter les coups tordus de la France et de plusieurs pays voisins. Après notre souveraineté acquise, Modibo Kéïta et ses compagnons ont su (en huit ans) bâtir une nation, construire de nombreuses unités industrielles, réaliser de grandes infrastructures. Toutes choses qui faisaient à l’époque, la fierté de l’Afrique. Nous devons nous en inspirer.

La page IBK est tournée. Notre peuple, avec à sa tête un groupe d’officiers de l’armée malienne, a pris son destin en main mettant fin ainsi à sept ans de gouvernance corrompue.

Rien n’arrêtera la détermination de notre peuple à construire un Mali nouveau.Un Mali de paix, de justice sociale, de progrès économique. Un Mali démocratique, républicain et solidaire.

Les gesticulations des dirigeants de la CEDEAO n’intimideront pas notre peuple qui avec courage, détermination et dignité, saura résister aux ingérences d’où qu’elles viennent.

Si les provocations et autres mesures discriminatoires contre notre pays devaient perdurer, le retrait du Mali de la CEDEAO pourrait s’imposer. Notre pays frère voisin, la Mauritanie, n’en est pas membre. Il ne s’en porte pas si mal.

L’espoir est grand de voir notre pays retrouver sa grandeur, son aura d’antan.

L’heure est au rassemblement de toutes les forces vives de la Nation, patriotique et démocratique pour construire un Mali moderne et démocratique, pour répondre aux aspirations de notre peuple.

Nous disposons de ressources pour relever le défi.

Bassirou Diarra

Ancien Secrétaire Général Adjoint de la Présidence de la République du Mali

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Mali : l’espoir

Après la chute du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta

Un article de Bassirou Diarra

Des officiers de l’armée malienne viennent de parachever, ce 19 Août 2020, la lutte du peuple malien en mettant fin à sept ans de pouvoir du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).

Sept ans au cours desquels tous les clignotants sont passés au rouge : déliquescence de l’enseignement, santé moribonde, baisse du pouvoir d’achat de la population, justice aux ordres, corruption généralisée, insécurité, répression…

IBK a signé à Kati : sa démission, celle de son gouvernement, et a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale. Il était temps car cette démission était réclamée depuis plusieurs mois par le peuple malien, voulant mettre un terme à un régime conduisant notre pays vers l’abîme.

Des mois de combats acharnés sous la conduite du Mouvement du 5 Juin (M5- RFP) et le soutien de l’autorité morale, l’Imam Mahmoud Dicko.

Le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) mis en place par les officiers de l’armée malienne, vient de donner les premières indications sur sa feuille de route : dissolution de l’Assemblée nationale, mise en place d’une transition politique dirigée par des civils, respect de tous les accords internationaux du Mali (bilatéraux et multilatéraux), élections générales.

Depuis mardi et la chute du régime de Ibrahim Boubacar Keïta, nous assistons à un déchaînement de ladite « Communauté internationale » contre le renversement d’un pouvoir honni par le peuple.

Une « Communauté internationale » qui n’a rien fait contre la souffrance du peuple malien, rien fait après les tripatouillages électoraux de mars et avril 2020.

Une « Communauté internationale » qui a fermé les yeux sur les massacres (23 morts) des 10-11 et 12 Juillet 2020 et qui aujourd’hui menace de sanctions le peuple malien.

Les officiers maliens qui ont pris leur responsabilité – sans effusion de sang – pour mettre fin à la dérive et à la crise socio-politique sont l’émanation du peuple, victimes eux aussi, de la corruption qui a gangrené toutes les sphères de l’Etat.

L’Histoire nous rappelle que des militaires révolutionnaires ont fait preuve de patriotisme, d’engagement contre le colonialisme, le néo-colonialisme, l’impérialisme et les dictatures. Je pense aux capitaines de la Révolution des œillets au Portugal, au capitaine Thomas Sankara du Burkina Faso, au colonel Hugo Chavez du Venezuela, au capitaine Jerry Rawlings du Ghana.

Face à la nouvelle situation que connait notre pays, c’est aux politiques d’assumer leurs responsabilités et d’éviter les erreurs de la révolution du 26 Mars 1991.

Il s’agit de conduire notre pays vers de vrais changements.

Répondre à l’espoir et à l’espérance du peuple malien : telle est la mission qui revient aujourd’hui aux partis politiques, aux démocrates, patriotes, progressistes et républicains de notre pays.

Bassirou Diarra

* Ancien Secrétaire Général Adjoint de la Présidence de la République du Mali

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Mali : un appel à la solidarité des peuples

Notre ami Bassirou Diarra nous a fait parvenir un texte sur la situation au Mali. Il souligne l’ampleur de la révolution citoyenne et de la violence de la répression. Le Mouvement du 5 Juin auquel il participe est porteur des revendications populaires.
Bassirou Diarra a été réfugié politique en France puis a rejoint le Mali à la chute de la dictature. Il a longtemps représenté les travailleuses et travailleurs maliens en France auprès des autorités de Bamako comme de Paris. Candidat aux élections législatives, en ballotage à la sortie des urnes à l’issue du premier tour, il a vu le candidat du pouvoir proclamé vainqueur par la Cour constitutionnelle aujourd’hui dissoute.

Ibrahim Boubacar Keïta doit démissionner

Le président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a déclenché vendredi 10 et samedi 11 juillet 2020, une violente répression contre les manifestants qui l’appelaient à quitter le pouvoir. Bilan : une dizaine de morts, plus d’une centaine de blessés, de nombreuses arrestations.

Elu en 2013, pour un premier mandat avec 77,78% des voix, Ibrahim Boubacar Keïta, a été plébiscité sur la base d’une promesse électorale : « Pour l’Honneur du Mali, Pour le Bonheur des Maliens, le Mali d’Abord »

Un slogan de campagne qui a trompé les populations d’un pays, sortant d’un coup d’Etat militaire (mars 2012), aux terribles conséquences et d’une rébellion touareg dans le Septentrion malien.

Réélu en 2018, avec 67,16% des voix, pour un second et dernier mandat, l’honneur du Mali est devenu un cauchemar, le bonheur des Maliens une chimère. Le « Mali d’abord »  s’est transformé en « ma famille d’abord ».

Le Mali est plongé dans une profonde et dangereuse crise socio-politico-sécuritaire et dans un marasme économique sans précédent.  

Au nord du pays, la région de Kidal est hors contrôle de l’Etat ; la région de Mopti (centre) s’est embrasée avec des attaques djihadistes et des affrontements intercommunautaires faisant des centaines de victimes et de très importants dégâts matériels.

De 2012 à 2020, l’armée malienne a payé un lourd tribu. Des centaines de nos vaillants soldats ont péri dans les combats contre les terroristes. Quant à l’école malienne, elle a été sacrifiée et depuis trois ans les enseignants s’affrontent au gouvernement.

La corruption généralisée a gangrené toutes les sphères de l’Etat. Gabegie, népotisme, clientélisme sont devenus les règles.

Face à cette pitoyable gouvernance, aux défaillances des services de l’Etat, à la dégradation de la situation sécuritaire, au ras-le-bol général, le peuple est descendu dans la rue.

D’abord (à l’image du Hirak d’Algérie), le vendredi 5 juin avec des dizaines de milliers de manifestants, place de l’Indépendance à Bamako ; puis, le vendredi 19 juin, avec un plus grand nombre de manifestants. Enfin, le vendredi 10 juillet, un nouveau rassemblement suivi du massacre de nombreux manifestants.

Des membres de la force anti-terroriste (FORCAT) ont participé à la répression aveugle, barbare qui s’est abattue sur les manifestants, y compris dans la mosquée de l’Imam Mahmoud Dicko. Les jeunes maliens sont aux avants postes de la mobilisation populaire contre l’oligarchie au pouvoir.

Il y a les morts et les blessés. Il y a aussi dix des principaux responsables du Mouvement du 5 Juin, placés en détention.

Un tel déchainement de violences contre les populations aux mains nues, c’est du jamais vu au Mali. Et plusieurs sources indiquent que des mercenaires étrangers prêteraient aide et conseils aux forces de police.

Le Mouvement du 5 Juin

Le Mouvement du 5 Juin, une coalition regroupant des partis politiques, des associations de la société civile et des mouvements religieux est à la pointe du combat.

Les demandes du M5 – RFP (Rassemblement des Forces Patriotiques) sont formulées dans un mémorandum remis en main propre, au chef de l’Etat par l’iman Mahmoud Dicko.

Première revendication : la démission du président de la République et de son régime.

La mascarade électorale avec bourrage d’urnes et achats de vote, le tripatouillage par la Cour Constitutionnelle des résultats des élections législatives des 29 mars et 19 avril derniers, ont été entre autres, les détonateurs de ce mouvement populaire.

Resté sourd aux doléances des manifestants, le président de la République a joué la montre, tablant sur une usure du M5 – RFP et sur un pourrissement du mouvement. La colère n’a pas faibli. Au contraire, l’insurrection a gagné l’ensemble du pays, de Kayes à Tombouctou, en passant par Koulikoro, Ségou, Sikasso et Mopti.

La venue d’une délégation de ministres de pays membres de la CEDEAO, ainsi que l’intervention de chefs d’Etats de la sous-région n’y ont rien fait. Le peuple reste débout, déterminé à user de sa souveraineté, pour mettre fin au régime corrompu et dictatorial. Avec pour seul mot d’ordre : la désobéissance civile sur toute l’étendue du territoire.

Dans son combat pour le changement, le peuple malien a plus que jamais besoin du soutien et de la solidarité des forces progressistes et démocratiques du monde entier.

Après les événements tragiques de ces derniers jours et les atrocités du régime, rien ne sera plus comme avant au Mali.

Bassirou Diarra
Commandeur de l’Ordre national du Mali
Chevalier de la Légion d’Honneur (France)

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