Où sont passés les hôpitaux publics perdus ?

Beaujon, Bichat : le dossier de présentation du projet de Grand Hôpital nord à Saint-Ouen (ouverture en… 2030) soutient que le nombre de lits sera équivalent à celui des deux hôpitaux publics promis à fermeture. Il faut remettre cette affirmation – qui n’est qu’une prévision invérifiable, une promesse pour mieux vendre le projet – dans le contexte des politiques de santé poursuivie par les gouvernements successifs. Pour ce qui concerne le territoire de Clichy, l’affaire est entendue. Les lits disparus se retrouvent dans une ville voisine, Neuilly (92). Dans les murs du groupe hospitalier privé Ambroise Paré – Hartmann.

Groupe hospitalier privé Ambroise Paré – Hartmann, bd Victor Hugo à Neuilly.

La publicité de l’établissement est sans ambiguïté. Il se prévaut d’être le premier groupe hospitalier privé en Ile-de-France :

La création de cet établissement, si l’on se reporte aux dates, correspond à la période où le gouvernement présente comme définitive le projet de fusion Beaujon – Bichat en 2016. Les ministres de la Santé de l’époque, Mme Marisol Touraine (gouvernement Valls) puis Agnès Buzyn (gouvernement Philippe) sont à la manœuvre. C’est aussi le moment où ces gouvernements partent sabre au clair pour faire des économies et réduire les dépenses des hôpitaux publics.

Mais ces messieurs dames se sont bien gardé de dire qu’il s’agissait de réduire les capacités des hôpitaux PUBLICS. En tout état de cause, en 2022 l’opération privatisation rondement menée se traduit par l’inauguration du plus important groupe privé d’Ile-de-France. Ci-dessous la publicité pour l’occasion du groupe Ambroise Paré-Hartmann de Neuilly.

Ceci n’est qu’un exemple, sur un territoire. Les chiffres rendus publics par les services de l’État et le ministère de la santé pour l’ensemble du territoire français confirment ce que les personnels hospitaliers, les patients constatent chaque jour sur le terrain dans ce que tout le monde appelle « la crise du système de santé ».

Le plus récent document (décembre 2023) publié par les services du ministère de la santé est éloquent. Avant d’entrer dans le détail il précise d’entrée :

Et ci-dessous l’enquête 2020 :

Si l’on compare les données du tableau 2020 à celles du document 2022, on constate qu’entre 2020 et 2022 le solde des « entités hospitalières » s’établit ainsi :

– Public : – 4
– Privé non lucratif : – 9
– Privé lucratif : + 6

La même comparaison en ce qui concerne le nombre de lits donne un total de – 12 515 lits, dont

– Public : – 9 126
– Privé non lucratif : – 1 522
– Privé lucratif : – 1 867

Il est à remarquer que le privé lucratif choisissant les spécialités dans lesquelles les cliniques interviennent, l’hospitalisation y est nettement plus courte et nécessite donc dans la plupart des cas moins de lits. Cependant, la baisse totale des capacités hospitalières, notamment en cas de crise sanitaire, est préoccupante. Les technocrates de l’APHP répondent que les pouvoirs publics ont su « pousser les mur » en cas de nécessité. Les « essentiels » et les patients concernés jugeront.

Soulignons encore la phrase : « …le nombre de sites géographiques continue de diminuer lentement ». Les regroupements ont pour effet également de littéralement vider certains territoires de leurs établissements publics de proximité. Et en Ile-de-France ? Oui, il y a des déserts médicaux. Puis il y a les fermetures qui créeront le problème là où il n’existe pas encore.

Par exemple, Clichy. L’hôpital Beaujon dessert à égalité la population de Clichy, Gennevilliers, Asnières et même Levallois-Perret.

Tableau territoire de santé (sources : Hôpital Universitaire Paris Nord / Projet médical et organisationnel)

Les locataires HLM de Levallois, ville voisine de Neuilly, où croyez-vous qu’ils vont ? A Neuilly ou à Beaujon et Bichat ?

Qui peut croire qu’un hôpital public de proximité est moins nécessaire à Clichy que dans une ville de région, comme disons, Redon ? Les temps de transports en Ile-de-France ne se calculent pas en kilomètres mais en temps passé dans les galères, en voiture comme en métro. La ligne 13 (qui dessert Clichy et Saint-Ouen) est mondialement connue, ce n’est pas pour rien. Les documents de présentation de l’enquête publique du projet de Grand hôpital nord minimisent ce problème pourtant décisif quand il s’agit d’implanter un nouvel hôpital censé en remplacer deux autres (voire plus car il faut bien chercher dans les tréfonds de l’enquête publiques les autres hôpitaux publics qui seront amputés).

Participez à l’enquête publique, ouverte jusqu’au 4 mars prochain. Notre action n’est pas un baroud d’honneur, au contraire elle a tout d’une nécessité promise à obtenir des résultats dans les prochains mois.

Robert Crémieux

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2 commentaires sur “Où sont passés les hôpitaux publics perdus ?

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