Dans sa lettre d’information interne, La Confédération Syndicale du logement (CSF) donne une analyse de la politique du logement qui évolue de semaine en semaine. Nouveau ministre, projet de budget de l’État pour 2026, les sujets d’inquiétude pour les locataires HLM ne manquent pas, sur fond d’une situation déjà fortement dégradée et que l’union nationale des bailleurs sociaux (USH) elle-même n’a pas manqué de souligner.
Actualités logement du 27 octobre au 2 novembre 2025
Annonces du ministre Vincent Jeanbrun
Le jeudi 31 octobre, le ministre de la Ville et du Logement, Vincent Jeanbrun, a indiqué vouloir étendre la lutte contre le squat et aller au-delà de la loi narcotrafic pour l’expulsion des locataires délinquants de leurs logements sociaux.
En effet, la loi narcotrafic prévoit qu’un préfet puisse saisir un juge pour faire expulser de son logement toute personne dont les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants troublent l’ordre public.
Pour le ministre, cette « loi a permis une grande avancée et produira ses premiers effets. » Le ministre veut porter des travaux pour faire en sorte que ça s’applique au-delà du simple sujet du narcotrafic. Pour Vincent Jeanbrun, quelqu’un qui vole des voitures régulièrement, qui dégrade le matériel, qui menace, devrait aussi pouvoir être expulsé de son HLM. Il estime qu’ « un logement social, c’est la solidarité nationale qui le propose à une famille qui n’aurait pas les moyens de se loger dans le privé.Quand on trafique, quand on est un voyou, je pense qu’on perd le droit à cette solidarité nationale ».
Concernant le squat de logements, le ministre estime que «si la personne rentre légalement dans le domicile […} on est obligé de passer par le Juge, ça prend du temps, la trêve hivernale s’applique ».
En exemple, il a évoqué les cas de locataires indélicats qui disposaient d’un bail de location ou la problématique de la location touristique de courte durée.
Le point de vue de La CSF
Le logement est un droit fondamental, pas une récompense conditionnée au comportement de chacun. Punir des innocents, des enfants, des parents, c’est transformer le logement social en instrument de sanction collective. Le ministre Jeanbrun ouvre la porte à une dangereuse dérive que nous avions déjà pointé du doigt : celle d’étendre cette logique à d’autres délits, et demain peut-être à toute conduite jugée déviante. Le logement deviendrait alors un outil de contrôle social, où la menace d’expulsion planerait sur chaque famille.
Cette confusion entre justice pénale et gestion du logement mine les principes républicains d’égalité et de solidarité. le bailleur social n’a pas à se substituer au juge. Le droit au logement doit rester inconditionnel. Protéger ce droit, c’est protéger la société toute entière.
Concernant les personnes qui signent un contrat de location ou un Airbnb sans intention de payer tout en se maintenant dans les lieux, il sera important de connaître les garde-fous de l’expulsion expéditive que souhaite mettre en place le ministre. La procédure juridique d’expulsion permet aussi et surtout de vérifier que chacun est dans son bon droit. Autoriser des expulsions sans permettre à chacun de défendre devant un juge qui connaît le droit ouvre la porte à des décisions iniques. Il est important de laisser l’opportunité aux locataires de pouvoir prouver leur bonne foi.
Début de la trêve hivernale après un record d’expulsions locatives

La trêve hivernale débute samedi 1er novembre, après un nombre inédit d’expulsions locatives.
La trêve hivernale suspend les expulsions de locataires entre le 1er novembre et le 31 mars, soit les cinq mois traditionnellement les plus froids de l’année. Cette trêve, qui concerne également l’électricité et le gaz, survient à l’heure où les expulsions locatives ont atteint, selon les derniers chiffres disponibles, un nouveau palier en 2024, avec 24 556 ménages expulsés de leur logement avec le concours de la force publique, soit une hausse de 29 % en un an et de 223 % en vingt ans.
Le point de vue de La CSF
La loi Kasbarian-Bergé a permis d’accélerer les procédures et de multiplier le nombre de familles expulsées de leur logement notamment avec le concours des forces de police. C’est près d’un tiers d’expulsions en plus en an et le triple en 20 ans. Cela témoigne de la violence du système actuel contre les personnes qui n’arrivent plus à faire face à leurs dépenses de logement.
La CSF appelle à manifester contre les expulsions sans soluution de relogement et à supprimer la loi Kasbarian-Bergé. Nous devons privilégier la prévention sur la répression et faire reconnaître les droits des locataires au-dessus du droit à la spéculation immobilière.
Les amendements à la loi budgétaire 2026
Plusieurs amendements parlementaires au Projet de Loi de Finances (PLF) 2026 visent à rééquilibrer ou renforcer les crédits dédiés au logement, à la politique de la ville et à la solidarité. Pour être intégrés au texte du PLF et poursuivre leur chemin dans la navette parlementaire, ces amendements devront être déposés et adoptés lors de la discussion générale sur la seconde partie (dépenses) du PLF 2026. Ils ne constituent donc pas pour l’instant une modification directe du texte, mais indiquent les tendances et orientations souhaitées notamment par la Commission des Affaires économiques.
• Les APL seraient majorées de 600 M€ afin d’alléger la Réduction de loyer de solidarité (RLS) qui pèse sur les bailleurs (700 M€).
• Le chèque énergie serait revalorisé (+ 126,4 M€) pour compenser la baisse prévue et l’inflation.
• Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) recevrait + 121,5 M€ afin de financer 5 000 logements étudiants PLAI.
• Le programme d’hébergement bénéficierait de +50 M€ pour 5 000 places supplémentaires.
• Ma Prime Adapt’ et la lutte contre l’habitat indigne gagneraient respectivement +5 M€ et +4 M€.
• La rénovation urbaine (+34 M€) et les contrats de ville (+24 M€) se verraient renforcés pour soutenir les quartiers prioritaires.
• Enfin, la politique de la ville dans son ensemble bénéficierait de + 19 M€, compensée par une baisse ailleurs dans le budget de l’habitat.
Ces ajustements budgétaires proviennent principalement de transferts internes entre programmes, sans réelle augmentation globale de l’effort national pour le logement.
Le point de vue de La CSF
Ces propositions traduisent davantage des arbitrages comptables que des choix politiques courageux.
Les locataires, eux, restent les grands oubliés car les APL demeurent sous-indexées, la RLS continue d’asphyxier les bailleurs, et les fonds supplémentaires pour la rénovation urbaine ou l’hébergement restent très en deçà des besoins réels.
En outre, la hausse des APL prévue pour compenser la baisse de la RLS n’est pas au même niveau financier : qui comblera la différence de 100 millions à part les locataires ?
Le renforcement du chèque énergie et des aides ponctuelles ne saurait compenser l’absence d’une politique structurelle du logement, capable de garantir un accès durable et abordable à tous.
Le transfert de crédits entre programmes trahit la faiblesse de l’investissement public dans le logement social, alors que la crise du logement s’aggrave et que les expulsions repartent à la hausse à un niveau jamais connu.
Pour La CSF, le logement n’est pas une variable d’ajustement budgétaire, mais un pilier de la justice sociale et de la dignité humaine. Force est de constater que le désengagement de l’État dans le financement du parc social demeure une réalité en dépit de la baisse de la RLS. Soulager une ponction, ce n’est pas la même chose que de subventionner pour construire les logements abordables dont les familles ont besoin.
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