
C’est désormais un constat partagé : rien ne va plus en matière de logement social. L’Union Sociale pour l’Habitat (USH), organisme qui rassemble les bailleurs sociaux publics et privés vient d’en faire le bilan.
À l’occasion d’un événement inédit à Nancy, le 27 mai dernier, sur le thème « Les HLM logent la France telle qu’elle est », des chiffres ont été fournis et commentés. Les locataires HLM ont de plus en plus de mal à suivre le coût des loyers et des charges. Les demandeurs de logement (pour une accession ou un relogement) font face à une attente interminable. La construction sociale est bloquée, les financements ne répondent plus aux besoins et aux moyens de celles et ceux qui les supportent (les locataires), les remises en cause du logement social se multiplient allant jusqu’au déni du droit au logement.
Tout n’est pas dit dans ce résumé de la situation. Comment en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? Comment répondre aux attentes en matière de logement alors que la démonstration est faite que le marché est incapable de satisfaire la demande du plus grand nombre. Il faudra y revenir.
Issu des réflexions de la journée USH, cet article a été partiellement publiés sur les réseaux sociaux. Les éléments qui suivent ont pour ambition d’ouvrir le débat.
L’année 2025 sera pire

L’année 2025 a mal commencé pour la construction de logements. Selon Stat info, publication du ministère chargé du logement (Aménagement du territoire) de mai 2025 :
« En avril 2025, 24 100 logements auraient été mis en chantier, soit 800 de plus qu’en mars 2025 (+ 3,3 %). Le nombre de logements commencés en avril 2025 serait inférieur de 25 % à sa moyenne des douze mois précédant la crise sanitaire (…) Les ouvertures de chantier de logements collectifs ou en résidence diminueraient (- 4,0 % par rapport à mars) à 13 700 unités, soit 27 % de moins que leur moyenne des douze mois précédant le premier confinement…»
Manuel Domergue, de la Fondation pour le Logement, souligne pour sa part : « On aurait pu se réjouir un tout petit peu de la légère hausse de HLM financés en 2024. Mais le détail des chiffres montre qu’on a financé 7000 PLS en plus, mais 2000 PLUS et 2000 PLAI en moins. Pire chiffre de production PLUS du siècle ! Les vrais HLM continuent leur chute libre… » (Linkedin ).
Encore faut-il tenir compte que les chiffres globaux tiennent compte du fait que les logements sociaux tirent la construction, ce qui n’est pas nouveau. Cependant, à ce rythme, et notamment dans les régions en tension, les difficultés pour les demandeurs de logement vont s’aggraver.

La file des prioritaires s’allonge
Michel Vivinis, d’ATD Quart Monde, fait remarquer dans un post sur le réseau LinkedIin que la hausse rapide du nombre de « PU-DALO » non relogés est un symptôme de la crise généralisée de l’offre de logements accessibles. Il souligne :
« Le nombre de ménages mal logés dont le relogement est reconnu « Prioritaire et Urgent » au titre de la loi DALO de 2007 et qui sont en attente de relogement depuis plus d’un an a encore augmenté de 9 000 l’an dernier, pour atteindre 87 000 fin 2024. La croissance rapide de leur nombre depuis 2017 (12 % par an) découle de l’insuffisance de l’offre de logements sociaux adaptés à leurs besoins (taille, localisation, loyer & charges), qu’il s’agisse des logements neufs (15 % de l’offre), dont la production est insuffisante, ou des logements libérés par la mobilité sortante du parc social (85 % de l’offre), bloquée par le coût excessif de l’offre privée (location et accession) sur les marchés tendus. »

HLM : une réponse aux besoins réels
Le niveau de vie moyen des locataires HLM est de près de 16 000 € par an.
A ce niveau de revenu (y compris prestations sociales) ces personnes ne trouveraient pas à se loger dans le parc privé (sauf dans les taudis) et encore moins devenir propriétaires (un miroir aux alouettes que les gouvernements agitent depuis des décennies). Le logement social loge encore les femmes seule avec enfants, les personnes âgées et les bas revenus sont surreprésentés par rapport à la population générale.
Le diagramme ci-dessous est éloquent. Remarquons au passage qu’il illustre le rôle irremplaçable que jouent les HLM pour lequel le ministre Darmanin a déclaré « se poser la question de savoir si le logement social doit continuer à exister en France »(Sud Radio, 13 mars 2025) ». Le gouvernement auquel il appartient s’emploie d’ailleurs activement à marchandiser le secteur immobilier au détriment des locataires HLM et des demandeurs de logement.

Subventions de l’État : zéro pointé
Le « désengagement de l’Etat » du financement des HLM est pour vous un slogan ?
En chiffres, la démonstration est faite par exemple pour ce qui concerne la construction de HLM. De 2000 à 2023 les subventions de l’Etat sont passées de 7% à 2%. Oui, c’est le petit trait violet en bas de colonne.
La baisse vient de loin, elle est antérieure à 2000 et elle est forte en proportion mais aussi en volume. Mais on entend encore des adversaires du logement social (et même des locataires du parc public) dire que l’Etat finance trop les assistés. Pourtant, de la construction à la gestion, l’ensemble du financement des HLM est supporté à 90% par les loyers des locataires. Les fonds propres, les prêts recensés dans le diagramme ci-dessous) sont des postes payés par l’utilisateur final, les locataires. Bailleurs, gouvernements, médias sont dans le déni à ce sujet.
En fait, le gouvernement finance le logement, mais il s’agit surtout de la promotion privée et spéculative (mais c’est une autre histoire) avec pour objectif de marchandiser ce secteur économique.

L’Ile de France trinque
L’Ile-de-France lanterne rouge pour la satisfaction des demandes de logement HLM. Même Mayotte fait mieux (de très peu). La honte pour la Région et Pécresse qui a totalement abandonné le soutien au logement social, pour le gouvernement qui ne finance plus la construction alors que les locataires par leurs loyers sont les principaux financeurs invisibilisés des HLM.
Les locataires HLM sont pénalisés par la hausse des loyers qui suit celle des locations privées (mais restent largement inférieures), les rénovations énergétiques sont en panne (mais les HLM font mieux que le privé en la matière) et les demandeurs de logements sociaux dont les délais d’attente s’allongent démesurément et découragent de postuler (le nombre des ayants-droits est majoritaire dans la population).

Fuir ?
On en est arrivé au point de scandale où le journal Le Parisien (jeudi 5 juin 2025) se permet de titrer : « Pour obtenir un logement social, FUYEZ l’Ile-de-France. » Compte-tenu de la situation générale, il est douteux que cela soit une solution. Si vous tentez la Côte d’Azur, la désillusion risque d’être douloureuse.

Robert Crémieux

Le numéro d’ « Actualités Magazine » dont nous avons tiré certains des diagrammes est disponible sur le site de l’USH, à condition d’être abonné…
https://www.union-habitat.org/regarder-en-face-les-visages-de-la-france-telle-qu-elle-est-l-edito-d-emmanuelle-cosse
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