Journalistes : menaces et mobilisation

Une lettre ouverte a été adressée lundi 13 janvier 2025 au Premier ministre, à la ministre de la Culture, au ministre de l’Intérieur, au ministre de la Justice et au ministre des Armées. Rédigée à l’initiative du Syndicat National des Journalistes, de Reporters Sans Frontières, du Fonds pour une Presse Libre, de l’ONG Sherpa et du média Disclose, elle a été signée par plus d’une centaines de syndicats, organisations, sociétés de journalistes, collectifs et médias.
Cette initiative a été prise dans le contexte de la comparution au tribunal de la journaliste Ariane Lavrilleux. Un rassemblement est prévu ce samedi à Paris en soutien à ce qui ressemble à un procès similaire à celui fait aux USA à Julian Assange.

Soutien à Ariane Lavrilleux

La lettre ouverte rappelle notamment cinq points clés actuellement en jeu pour garantir le libre exercice de la profession de journaliste. Extraits ci-dessous.

Point 1. Il est crucial de mieux encadrer les conditions de levée du secret des sources. La loi de 2010 prévoit que ce secret peut être levé en cas d’« impératif prépondérant d’intérêt public ». Or, le flou entourant cette exception est propice à une application large, voire arbitraire, comme nous le constatons. Il est impératif de restreindre le champ de la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public, en énonçant les situations précises pouvant justifier de lever le secret des sources, comme la prévention et la répression de certains crimes et délits d’une gravité particulière.

Point 2. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige qu’une autorité judiciaire indépendante vérifie en amont la proportionnalité d’une mesure portant atteinte au secret des sources. L’EMFA contient des dispositions allant dans le même sens. Dès lors, la réforme à intervenir doit prévoir a minima que tout acte d’investigation – comme les perquisitions, géolocalisations, etc. – pouvant porter atteinte au secret des sources fasse l’objet d’une autorisation préalable d’un juge indépendant.

Point 3. En l’état du droit, le secret des sources ne bénéficie qu’à certain·es journalistes (ayant une activité régulière et rétribuée dans des médias). Or d’autres collaborateur·ices de média peuvent détenir des informations permettant d’identifier une source, de même que des auteur·ices d’ouvrages d’investigation ou encore des réalisateur·ices de documentaire. Par ailleurs, les autorités administratives sont également susceptibles de porter atteinte au secret des sources en mettant en œuvre certains de leurs pouvoirs d’investigation, comme les visites domiciliaires. Il est dès lors nécessaire d’étendre le champ d’application du secret des sources, en s’assurant que d’autres personnes que les journalistes puissent s’en prévaloir, et que ces protections puissent s’appliquer aussi en matière administrative.

Point 4. Face à une violation du secret des sources, la seule sanction susceptible d’être prononcée est la nullité de l’acte d’investigation en cause. Or dans une procédure pénale, seules les parties sont en mesure de former des demandes de nullité. Lorsque le ou la journaliste concerné·e par la violation n’est pas mis·e en cause dans l’enquête, cette possibilité ne lui est pas ouverte. Il faut dès lors créer une voie de recours qui permettrait aux journalistes dont les sources ont été illégalement découvertes de pouvoir demander la nullité des actes d’investigation concernés.

Point 5. Pour remédier à l’absence de sanctions face à une violation du secret des sources, il est utile de créer un délit d’atteinte au secret des sources. Sa répression pourrait être alignée sur celle de l’atteinte au secret professionnel, tel que celui des avocat·e·s et des médecins. Ce sera également une réponse utile face au détournement de certaines voies de droit, notamment civiles et non-contradictoires, pour porter atteinte au secret des sources : par exemple, la saisie de correspondances avec les médias Le Poulpe et Mediapart ordonnée, à la demande d’une entreprise, par le tribunal de commerce de Rouen le 29 septembre 2022.

(Voir le texte complet de la lettre ouverte et les signatures sur le site du Fonds pour une Presse Libre)

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