Hôpital Beaujon : un avis

Communication publiée ce mardi 27 février 2024 pour la Commission d’enquête publique sur le projet de Campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Paris Nord. Il s’agit bien entendu d’un avis motivé en tant qu’habitant de Clichy (92) et patient ancien et potentiel de l’hôpital Beaujon. Enquête publique ouverte jusqu’au 4 mars prochain.
Robert Crémieux / Clichy, lundi 26 février 2023

« Proximité » : un mot clé oublié du dossier pour le Campus hospitalo-universitaire à Saint-Ouen

A l’examen du dossier, je constate que la question de la fermeture de l’hôpital de proximité qu’est Beaujon n’est pas pris en compte dans ce projet qui traite essentiellement de la création d’un hôpital à Saint-Ouen mais ne dit rien du devenir du site de Clichy. Alors même qu’il est clairement indiqué que sa fermeture sera une conséquence du projet. Priver Clichy notamment du service des urgences et d’une maternité paraît irresponsable aujourd’hui.

Cette non-prise en compte des besoins en matière de santé d’une population, alors que ces dernières années la question de la proximité des services publics est reconnue comme un sujet d’importance et d’actualité fait question. Le Conseil d’État a d’ailleurs consacré son étude annuelle 2023 à la question de la proximité, sous le titre évocateur : « L’usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d’efficacité de l’action publique et une exigence démocratique. »
https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/l-usager-du-premier-au-dernier-kilometre-un-enjeu-d-efficacite-de-l-action-publique-et-une-exigence-democratique

Un complexe hospitalier qui en cas de fermeture pénaliserait tout le nord des Hauts-de-Seine

La non-prise en compte dans le projet de cette question de proximité a une conséquence. Alors que trois territoires, dans trois départements sont concernés, celui de Clichy est passé par perte et profit. C’est tout le nord des Hauts-de-Seine, par exemple Asnières et Gennevilliers, qui est privé d’un hôpital que fréquentent massivement cette population. Dans l’état de saturation où se trouve le système hospitalier dans cette zone urbaine dense, il est peu probable que les besoins en terme de santé soient correctement couverts à terme. La proximité géographique de Saint-Ouen en cas de fermeture de Bichat et Beaujon ne change rien à l’affaire car en Ile-de-France ce n’est pas le kilométrage qui doit être pris en compte mais les temps de trajet. Essayer la ligne 13 du métro, mondialement célèbre, c’est comprendre le problème.

L’hôpital Beaujon réputé d’excellence : inauguration mercredi 31 janvier dernier d’un nouveau robot opératoire

La soi-disant « vétusté » de l’hôpital Beaujon est avancée pour justifier sa fermeture. Cet argument va à l’encontre de la réalité vécue sur place. Certes, depuis 2013 et le début du projet des entretiens nécessaires ont sans doute été différés.
Paradoxalement des rénovations importantes ont pourtant été engagées et financées. Il en est ainsi de :

– la maternité de 2015 à 2018 (3,6 millions d’euros) ;

de l’extension progressive du plateau technique TEP Scan et IRM (3,5 millions d’euros) ;- du nouveau centre IRM en 2018 (2,2 millions d’euros) ;- de l’ouverture de la première structure d’Urgences Vasculaire Intestinales en 2016 (1,9 million d’euros) ;

– de l’ouverture d’un centre de diagnostic rapide des tumeurs du foie HOPE en 2017 ;

– de l’ouverture d’une unité de néonatologie en 2020 et aménagement d’une salle physiologique en 2020 et aménagement d’une salle physiologique en 2021.

Il faut ajouter à cette liste la rénovation entière d’un étage (5e étage).
Ces rénovations partielles sont-elles à faire passer pour pertes et profits ?

Par ailleurs, un élément à charge dans le dossier était la question des risques incendies. Depuis les installations ont été rénovées, dont le groupe électrogène extérieur ainsi que les réseaux électriques. Alors de deux choses l’une : soit les risques incendies sont un argument valable et Beaujon doit fermer sans délai, soit l’hôpital est en mesure de poursuivre ses activités en toute sécurité.

Pour la défense des services publics : non aux fermetures de lits et d’hôpitaux, ça vaut bien un selfie

L’hôpital Beaujon peut-il être rénové ? Personne ne dit le contraire. Au pire, la question est un problème budgétaire. Faute de réelles études dans le cadre d’un vrai projet, les estimations avancées sont plus que contestables. En fait se sont des spéculations sur le coût et les délais de réalisation. Sur ce dernier point, l’affirmation selon laquelle il faudrait vingt ans de travaux est mensongère. La Tour Pleyel à Saint-Ouen vient d’être totalement rénovée en deux ans !

Deux éléments sont à prendre en compte.
Le premier est la nature du bâtiment principal. L’imposant édifice datant de 1935 n’est ni obsolète, ni dégradé. D’une architecture remarquée et remarquable, ce qui lui a valu d’être classé, sa démolition n’est même pas envisagée dans le cadre de la fermeture de l’hôpital. Et une future rénovation dans le cadre d’un projet immobilier lucratif évoqué. Rien ne dit que dans le cadre d’un vrai projet son utilisation hospitalière ne soit pas l’option la plus adaptée, avec des coûts et des délais raisonnables.
Le deuxième élément est la superficie importante de terrains publics qui entourent le bâtiment principal. Il y a là des possibilités d’extension, de construction ou d’utilisation de bâtiments relais qui sont une réelle opportunité. Pour résumer : la question du foncier ne se pose pas à Beaujon sur les 7 hectares de son emprise actuelle (équivalente à celle du projet de Campus hospitalo-universitaire de Saint-Ouen). L’environnement urbain ne pose quant à lui pas de problème à ce jour. Au point qu’il est vraiment légitime de se poser la question : qui et pourquoi veut-on la mort de l’hôpital public de Beaujon ?

Une des particularité de Beaujon est l’importance de son emprise au sol qui permet de nombreuses possibilités d’extension et de rénovation. Et de préserver une zone libre de construction dans une zone en tension

Il est en effet légitime dans le cadre d’un projet public de poser la question de l’utilisation des terrains publics. La ville de Clichy est soumise à une pression immobilière intense. Il s’agit de ce que l’on appelle une « zone en tension » pour le logement. Ces dernières années une spéculation immobilière sans commune mesure a été enregistrée, notamment sous l’impulsion de l’actuelle municipalité. L’utilisation du patrimoine des terrains publics de la ville a été dénoncée par l’opposition municipale comme particulièrement inquiétante pour l’équilibre social, urbain et écologique de la ville.
Nul ne peut l’ignorer, l’enjeu est du domaine public sur ces questions (voir l’article de Léa Druet-Faivre sur ce sujet : ( https://stanzo92.fr/2024/02/05/hopital-nord-une-vision-mercantile-de-la-sante-publique/ ).

Il est donc particulièrement scandaleux que dans ce contexte l’État se permette de libérer des terrains publics sans envisager et proposer des études, des concertations sur l’éventuelle destination future de ces terrains.

Malgré les arguties sur les chiffres, la réalité présentée par les promoteurs du projet ne parvient pas à masquer la réalité des prévisions. Avec l’accroissement démographique un hôpital n’en remplace pas deux.

Ces dernières années, les politiques de santé des gouvernements successifs se sont caractérisées par la volonté et les décisions effectives de réduire les coûts des services publics. Ce contexte ne peut être ignoré dans le cadre du projet de Campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen. En particulier lorsque le coût estimé ne cesse de grimper et atteint plus d’un milliard d’euros.

L’enjeu est bien entendu celui d’un budget contraint. Ce qui sera utilisé par Saint-Ouen si le projet se concrétise n’ira pas à d’autres projets nécessaires, notamment en Seine-Saint-Denis.

L’affirmation gouvernementale selon laquelle l’éventuelle fermeture de Bichat et Beaujon ne se traduira pas par des fermetures de lits n’est tout simplement pas crédible. Les chiffres sur ce point on été largement critiqués par ailleurs.
Il reste qu’il n’est pas sérieux d’envisager ce projet en lui-même, qui peut être séduisant dans une brochure de présentation, sans le mettre en relation avec l’ensemble des besoins de santé de la zone. En particulier en ce qui concerne la Seine-Saint-Denis où les besoins sont immenses et les projets ne sont pas à la hauteur.

Faut-il construire un hôpital à taille humaine à Saint-Ouen où ailleurs, sachant que Bichat est à 800 mètres des terrains du projet ? Faute d’avoir ouvert une vraie concertation et d’avoir présenté sur injonction de la justice une actualisation improvisée, le Campus hospitalo-universitaire suscite des oppositions argumentées, sur le plan hospitalier comme en matière d’aménagement urbain et écologique.

Il serait tout simplement sage de revoir totalement la copie, comme le demande d’ailleurs des associations, des syndicats et des élus.es de la ville de Saint-Ouen elle-même.

Robert Crémieux

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